A MONSEIGNEUR M^re
ANTOINE DVC DE GRAMONT,

Pair et Mareschal de France,
Souuerain de Bidache, Ministre d'Estat,
Cheualier des Ordres du Roy, Gouuerneur
& son Lieutenant General en Nauarre
& Bearn, de la Citadelle de
S. Iean de Pied de Port,
Ville & Chateau de Bayonne,
Pais de Labourt & circonuoisin,
Colonel du Regiment
des Gardes de sa Majesté

        Monseigneur,

        C'est une experience iournaliere que cette vie est un continuel combat. Les Souuerains de la Chrétienté ont iuré sur les saints Euangiles una paix solennelle, tant pour leur repos particulier, que pour laisser ressirer leurs suiets. Voicy neantmoins qu'un Clerc Regulier de la Religion des Reuerends Peres Thearins, que Vostre Excellence honore de sa bienveillance & protection, par un petit Liure de pochette, va s'allumant la guerre par tout, & souleue les hommes à un combat general contre des ennemis iurez, desquels, dit-il, on ne se doute pas. Pour amasser des soldats, il courts par toute l'Italie, don't il est originaire. Pour estre vniuersel, & se faire entendre par tous les coins de la terre, la langue Latine luy a presté son eloquence, la Françoise luy a donné sa parole, l'Angloise ses liurées, l'Allemande, la Flamende, & mesme l'Indienne, sont bien aises d'auoir ses entretiens. Voyant, MONSEIGNEVR, que le Castillan & le Portugais sont au point de l'attirer dans leur pays, i'ay creu que ie ferois deserteur de cette belle armée, si ie ne donnois le mot du guet aux Basques, suiets de Vostre Excellence, pour les auertir qu'ils se tiennent sur leurs gardes, & qu'ils se preparent à ce combat, qui est de telle consequence, qu'il y faut tous les iours vaincre, ou perdre à iamais la vie de l'ame. Aussi est-il tout spirituel, & son dessein est de reuolter l'homme contre soy-mesme, l'assoiblir pour le fortifier, l'aueugler pour le faire voir clair, le tuer pour le faire viure, & le tirer de ce monde pour le porter à Dieu. Le plus signalé soldat de ses troupes que nous ayons veu, est le B. François de Sales, Euesque & Prince de Geneue, qui ayant fidellement combattu toute sa vie par ses ordres, & sous sa conduite, est maintenant honoré de nos respects, & par nos voeux sur les Autels. Ie suis asseuré, MONSEIGNEUR, que parmys les Basques, qui ont cette gloire de vous auoir pour leur Viceroy, il se trouuera grand nombre de genereux soldats & courageuses amazones qui s'y enrolleront, pour peu qu'on les instruise dans l'exercice de cette milice. Ie n'oserois prendre la hardiesse d'en estre le truchement, & leur seruir d'interprete, iusqu'à ce qu'il plaise à Votre Excellence fauorises de sa grace ce petit écrit d'un passeport & congé, qui les animera à combattre plus volontiers à son exemple contre les vices pour la vertu, qui doit donner la victoire, le triomphe & la coronne que souhatte à Vostre Excellence,

        Monseigneur,

Son tres-humble
& tres-obeïssant Serviteur.

SILVAIN POVVREAV,

Prestre du Diocese de Bourges.